L'apaisante forêt d'Ardenne, un océan de verdure

Voyage au coeur d'un "paysage-histoire"

Evoquer l'Ardenne sans dépeindre l'océan de verdure qu'est sa forêt s'avère à tout le moins impossible. Loin d'être oubliée, cette vaste forêt bénéfice d'un engouement constant, voire croissant, des voyageurs qui, à l'image des locaux, voient en elle un havre de paix et un lieu de bienfaits aux multiples facettes.

undefined

"Sacrée, mystérieuse, généreuse et protectrice, la forêt d'Ardenne a de tout temps conditionné la vie des Ardennais. Lorsque l'on se promène dans ses bois brumeux, que le bruit de nos pas est étouffé par les feuilles mortes des hêtres, des chênes ou les aiguilles des épicéas, on se sent petit... humble... troublé aussi ! Et tout paraît possible : surprendre la déesse Diane en pleine chasse, croiser la route du Cheval Bayard ou apercevoir Champenois dans un arbre." Musée en Piconrue à Bastogne.

La forêt ardennaise, riche de son histoire millénaire, parsème aujourd'hui le sud de la Belgique, le nord du Grand Duché de Luxembourg et une partie du département français des Ardennes. Elle représente la plus importante couverture forestière de Belgique.

En province de Luxembourg, elle recouvre tout bonnement 51% du territoire avec ses 313.000 ha. Dans la province la plus boisée du pays, un mètre carré sur deux est couvert par un arbre.

Plus à l'est, «l'Oesling» couvre 32% du territoire nord du Grand-Duché de Luxembourg tandis que le département des Ardennes voit ses terres coiffées à plus de 28% par la forêt.

undefined

De la préhistoire à l'Ardenne gallo-romaine

Une forêt dense couvre l’Europe et l’Ardenne, à partir de l’Holocène (vers 12.000 ans). C’est l’environnement des chasseurs-cueilleurs mésolithiques qui s'adaptent à une faune et une flore typiques d'un climat plus chaud et humide.

Avant eux, le paysage était celui d’une toundra, influencé par un climat polaire et habité par des espèces animales et végétales qui pouvaient supporter des froids extrêmes. Pas de territoire boisé mais une maigre végétation qui se composait de mousses, de lichens, de graminées et d’arbrisseaux. Nos ancêtres du Paléolithique vivaient avec le lièvre variable, le lemming, le lagopède, le harfang des neiges, le cheval, le loup, le glouton, le lynx et le renard polaire…Et l'Ardenne-Famenne ne connaît guère d'occupation humaine durant cette période, sinon quelques traces dans des grottes.

Durant le Mésolithique, l’alimentation est fournie par la chasse en forêt. En témoignent les nombreuses découvertes d'armatures de flèche. Elle est complétée par la pêche et la cueillette de fruits sauvages. Les hommes s’installent dans des campements provisoires, sur le parcours du gibier

undefined

Puis vers 5.000 ans avant notre ère,  un nouveau mode de vie d’origine proche-orientale atteint les régions limoneuses. La forêt demeure une réserve à gibier pour une nourriture d’appoint. Mais elle est l’objet de plus en plus de défrichement pour le développement des villages et l’aménagement des terres agricoles. C’est l’époque Néolithique qui se caractérise par la céréaliculture et l’élevage de la chèvre, du mouton, du bœuf et du cochon. Cette nouvelle économie transforme fondamentalement l’organisation des sociétés. Avec ce nouveau mode de subsistance apparaissent de nouvelles techniques et une autre spiritualité.  En Luxembourg belge, les mégalithes de Wéris témoignent du culte des morts des Néolithiques.

L’exploitation de cette forêt se poursuit avec les Gaulois qui développent la métallurgie du fer. Le bois est pour les Celtes, une matière première indispensable à l’alimentation des bas-fourneaux ou des forges. Ils l’utilisent aussi  dans la construction de leur habitat faite de bois et de torchis, dans la composition des murs de défense (murus gallicus). Ils en ont besoin aussi pour les manches des outils agricoles, les boucliers et les chars de combat, leur statuaire ou leurs fameux tonneaux…La qualité de la production artisanale gauloise est connue grâce à leurs pratiques funéraires. Cette civilisation prospère est exposée dans un musée unique qui leur est entièrement consacré à Libramont. 

undefined

Description de la "silva arduinna" dans l'Antiquité

"L'immense forêt des Ardennes traverse le territoire des Trévires et s'étend depuis le fleuve du Rhin jusqu'au pays des Rèmes." Jules César

L’Ardenne antique décrite dans de rares textes de César, de Strabon ou de Tacite, apparaît comme un important massif boisé : « Silva Arduenna ». Probablement la plus grande étendue forestière de toute la Gaule qui s'étendait des rives du Rhin, sur tout le territoire des Trévires, des Rèmes et des Nerviens. Aujourd'hui, cet espace correspond à l'Eifel en Allemagne, l'Eislek au Grand-Duché et l'Ardenne en Belgique et en France.

Les Romains sont les premiers étrangers à s'aventurer dans cette forteresse verte considérée comme interminable et imprenable. Pour souligner le courage de ses troupes et la dangerosité de ses adversaires, César évoque les « chemins incertains et occultes de cette forêt », véritable guet-apens pour les légions romaines et refuge efficace pour les Gaulois. Après la conquête des Gaules, des chaussées romaines relient les cités. Rappelons qu'une grande partie de l'Ardenne  appartient à la très prospère  « Civitas » des Trévires avec comme chef-lieu Trèves : Augusta Trevorum ». Les premières voies romaines, véritables "autoroutes" de l'époque, percent ce territoire sauvage : la Reims-Trèves, la Tongres-Metz et encore la Reims-Cologne. De nombreux vestiges antiques jonchent encore les abords de ces chaussées disparues.

undefined

Des textes littéraires et des documents épigraphiques (inscriptions sur pierre) révèlent le nom antique de l'Ardenne et sa délimitation géographique. Par contre, l'existence d'une déesse celtique du nom d'Arduinna, titulaire de la forêt ardennaise et assimilée à la divinité romaine de la chasse Diana, est mise en doute depuis plus de 20 ans. A l'origine de cette affirmation, une statuette en bronze de Diane chevauchant un sanglier, découverte dans le Jura vers 1870.

Autre document passé à la moulinette de la critique historique, une représentation d'Arduinna sur un relief votif conservé au Musée du Vatican. La figure représente, après étude rigoureuse, le dieu romain Saturne. Le lien emblématique du sanglier et de l'Ardenne est plus tardif et a faussé les pistes dans le cas de cette « déesse au sanglier ». Au point d'en oublier toute la rigueur scientifique indispensable à l'établissement de la vérité historique et archéologique. Par contre de nombreux témoignages archéologiques, dans nos régions, attestent de la vénération particulière de Diane, déesse de la chasse et protectrice du gibier. 

undefined

Evangélisation et légendes

"Je parcours ces bois ténébreux, Où n'oseraient aller sans escorte, et sans armes, Les guerriers les plus courageux." François Pétrarque (XIVème siècle).

Au Moyen Âge, de nouveaux intrus s'y enfoncent avec pour mission l'évangélisation des terres. C'est l'époque de la fondation des abbayes de Saint-Hubert, Malmedy et Stavelot. La forêt se transforme en refuge pour les Saints Remacle et Hubert, les ermites ou encore les bandits. Les Carolingiens dont l'empereur Charlemagne l'utilisent aussi comme terrain de chasse et y établissent des villas et relais. Malgré l'apparition de villes fortifiées et les batailles récurrentes, la forêt maintient son caractère magique et imprégnée de légendes dont celle fabuleuse des quatre fils Aymon sur leur cheval-fée Bayard. Au fil du temps, des petits villages viennent s'y loger et les habitants l'utilisent comme complément à leurs prés et champs.   

undefined

Faune et flore

Le sol ardennais est profond, acide et pauvre ce qui explique l'absence de cultures et la prédominance des forêts et prairies.

En 1790, on estime que les 3/4 de la forêt d'origine avaient disparu, en partie à cause du travail des nombreux charbonniers, tanneurs et petits fermiers qui y font paître leur bétail et l'abîment. La moitié des surfaces autrefois boisées est alors transformée en landes ou en marécages.

Au XIXe siècle, la révolution industrielle nécessite une grande quantité de bois pour se développer. L'Ardenne est donc reboisée à un rythme soutenu grâce à la plantation de résineux.

Aujourd'hui, on remarque un équilibre quasi parfait entre les peuplements feuillus (53 %) comme le chêne, le frêne, l'érable, le merisier, l'orme, le bouleau, le charme, et les résineux (47 %) tels que l'épicéa, le douglas et le pin. Toutefois, un travail conséquent est entrepris depuis plusieurs décennies pour rétablir la forêt feuillue d'origine.

Cette mosaïque de plantations donne une impression de "micro-mondes" à l'intérieur même de la forêt. Chaque famille d'arbres évoque des sensations différentes: le calme, la force, l'énergie…

undefined

La forêt ardennaise est aussi le lieu où poussent d'innombrables espèces sauvages herbacées et ligneuses qui deviennent elles-mêmes le cadre de vie d'une grande variété d'animaux. L'épicéa ou le douglas offrent par exemple un refuge hivernal aux mammifères.

Tout un écosystème s'organise riche de ses habitants. Le cerf, le chevreuil et le sanglier cohabitent avec le renard, le chat sauvage, la martre, l'écureuil ou le lièvre. Dans les airs, l'épervier, le rouge-gorge, le moineau, le pinson, la pie-grièche, la mésange font partie des nombreux chanteurs de la forêt, surveillés de près par la chouette, le hibou et depuis plusieurs années par la cigogne noire. Toutes ces espèces trouvent depuis longtemps gîte, nourriture et tranquillité dans ces lieux.

Les visiteurs de la forêt ardennaise

La forêt se voit traversée par toutes sortes d'individus : marcheurs, promeneurs et randonneurs, cyclistes, cavaliers ou encore skieurs. Cette fonction ludique se développe depuis le XIXe siècle. Les bois deviennent un lieu de distraction, facilités par leur accès et le réseau dense de routes qui relient les centres urbains. Plus de 1000 promenades différentes et permanentes sillonnent le territoire de la forêt ardennaise et offrent aux sportifs un milieu sain et protégé de la pollution.

Les chasseurs sont aussi des visiteurs des bois. Leur activité se pratique de différentes manières: chasse à tir, à courre, au vol, sous terre ou à l'arc… Elle nécessite la réussite d'un examen, une licence et un permis de port d'armes.

Les bûcherons et autres abatteurs ne se promènent pas dans la forêt mais y travaillent accompagnés pour beaucoup par le résistant cheval ardennais, autre symbole de ce territoire. Cette activité millénaire n'est en rien une cause de déforestation. Bien au contraire, les gestionnaires mettent en place une réglementation visant au maintien, au développement durable et au respect de ce domaine vert. Un exemple? La récolte du bois ne dépasse jamais la quantité produite la même année.

undefined

Aujourd'hui que reste-il de son histoire? La forêt inspire tous les esprits qui s'y hasardent. Ses brumes, ses brouillards et ses lumières contrastées maintiennent ce souvenir de rêves lointains dans lesquels les petits êtres féériques se rejoignent. Les bouquets de parfums et les sons mélodieux qui en découlent apaisent l'atmosphère.

La forêt ardennaise a beau se voir vieillir, elle conserve toujours son image de "temple de l'imaginaire", de "paradis naturel" ou encore de "poumon vert". On pourra toujours y marcher des heures sans rencontrer personne sur son chemin. N'est-ce pas là une bonne raison pour aller s'y ressourcer et se laisser émerveiller par ses charmes ?

undefined

Nouveauté: la forêt attire le cinéma et les séries

La forêt ardennaise est aussi devenue un lieu de tournage! Pour des films, téléfilms ou bien séries, les producteurs et réalisateurs se rendent compte du potentiel de nos paysages. Tantôt belle, majestueuses et lumineuse, la forêt peut rapidement déclencher chez les spectateurs un sentiment d'insécurité, voire de peur. C'est cet aspect mystérieux et troublant que nous retrouvons dans les séries belges à succès "La Trêve" et "Ennemi Public", toutes les deux co-produites par la RTBF. Le succès est tel que "La Trêve" est diffusée sur la chaîne française France 2! La forêt, un personnage à part entière! 

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le monde du cinéma et de séries en Ardenne et en Gaume se trouve sur notre blog Regards d'Ardenne! 

http://regards-ardenne.luxembourg-belge.be/le-monde-du-cinema-en-luxembourg-belge/

La forêt ardennaise en quelques chiffres :

  • Naissance vers 9000 ans avant J.-C. suite au réchauffement climatiquen (mésolithique). 
  • 3 pays (Belgique, France, Grand-Duché)
  • 51% de la province du Luxembourg, 32% du nord du Grand-Duché de Luxembourg et 28% du département des Ardennes
  • 7 parcs naturels (5 belges, un français et un grand-ducal)
  • Plus de 70 espèces de mammifères, 150 espèces d'oiseaux fréquentant aussi bien les forêts, les landes, les résineux et les rivières, 10 espèces de reptiles et 16 espèces d'amphibiens
  • Plus de 10 000 espèces de champignons.
  • Plus de 130 sociétés de pêches
  • Plus de 1000 promenades
  • 7 lacs et bassins et près de 23 rivières